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Jésus, Emmanuel, Marine... et les autres

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Les partis politiques sont à la démocratie ce que les religions sont à notre spiritualité. Il y a 2000 ans, les prophètes se nommaient Jésus, Abraham, Moïse, Jean-Baptiste, Noé ou Mahomet. Ils détenaient un savoir qui ne se discutait pas, directement hérité d’un Dieu qui s’était adressé à eux afin qu’ils transmettent son message. Leur parole était sacrée, leur vérité incontestable. Ils ont donné naissance aux trois religions monothéistes qui ont façonné des siècles d’histoire, de culture, de traditions mais aussi - et surtout - de conquêtes et de conflits.

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2000 ans plus tard, les prophètes ont changé de nom. Ils s'appellent désormais Nicolas, Emmanuel, Xavier, Marine ou Jean-Luc. Le sacro-saint triptyque « Père, Fils, Saint-Esprit » a laissé la place à « Liberté, Egalité, Fraternité ». Une trinité en chasse une autre. Mais à l’instar des religions qui se sont accaparées le sentiment de Dieu pour définir leurs propres vérités, l’Histoire à perpétuer, les règles à imposer, les interdits à respecter, les rites à observer et les prophètes à vénérer, les partis politiques ont confisqué la démocratie en faisant croire au peuple qu’ils en étaient les seuls dépositaires. Il est pourtant possible de croire en la démocratie, d’accepter le principe du suffrage universel comme une mécanique vertueuse, sans adhérer au catéchisme des partis. 

 

Depuis trop longtemps nous élisons une figure emblématique, un héros charismatique, une icône médiatique en laquelle nous voulons croire, nous, simples électeurs ignorants. Depuis trop longtemps nous voulons suivre un prophète omniscient, un sachant protecteur et bienveillant qui nous sauvera de la crise économique, du chômage, des changements climatiques, de l’insécurité, du Covid-19 ou du Rassemblement National. C’est là notre plus grande erreur car le « Messie » politique n’existe pas. Il est parfaitement illusoire, voire dangereux, de confier à un seul individu le pouvoir de décider de la destinée d’une Nation toute entière. 

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Depuis 1965, date de la première élection présidentielle, on ne compte plus les candidats qui ont prétendu détenir la vérité - leur vérité - dans l’intérêt d’un peuple en quête d’une vie meilleure. Mais a-t-on vraiment envie de continuer ce jeu stupide et manipulateur ? Doit-on une nouvelle fois s’épuiser à chercher un hypothétique candidat miracle, capable à lui seul de transformer l’eau en vin ? Pourquoi le candidat futur serait-il plus sincère que tous les précédents qui ont fait tant de promesses non tenues précisément parce qu’ils avaient le pouvoir de ne pas les tenir ? Plutôt que de s’en remettre éternellement à ces évangélistes des temps nouveaux, ne serait-il pas temps, au contraire, de croire en nous et en notre propre capacité à décider par nous-mêmes, pour nous-mêmes ?

 

Dans une Lettre de janvier 2021, je proposais que soit crée un espace de débat dédié à la révision de nos institutions, un espace qui aurait pour objectif de corriger les dysfonctionnements - volontaires ou non - de la démocratie représentative et qui prendrait à bras le corps le problème du « qui décide de quoi et dans quelles conditions » : le Ministère de la démocratie

 

La question récurrente du pouvoir d’achat est emblématique de cette urgence à repenser la démocratie. Annoncée comme la priorité des Français pour 2022, elle est aussi le serpent de mer par excellence de toutes les présidentielles passées. Tandis que le débat se limite à gérer dans l’urgence les conséquences de 40 ans de mauvaises décisions, à se demander s’il faut baisser ou non la TVA sur le litre d’essence plutôt que faire un « chèque énergie » aux plus précaires, c’est bien sur les causes profondes de la situation actuelle que nous devrions focaliser notre réflexion. Car derrière la question du pouvoir d’achat des Français et des solutions qui pourraient l’améliorer durablement, se cache celle de la représentativité des élus et de leur capacité à engager les bonnes décisions, c’est-à-dire des décisions qui seraient bonnes pour les Souris, pas uniquement pour les Chats.

© 2024 Stephane Guyot
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