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Retraites : tout un symbole 

La mobilisation populaire qui s’exprime massivement contre le projet de réforme des retraites est la parfaite illustration des dysfonctionnements de notre démocratie. En dépit des sondages et des manifestations populaires contre le texte, le gouvernement reste droit dans ses bottes et entend mener son projet à son terme. L’entêtement de l’exécutif à vouloir imposer une telle réforme interroge forcément. Comment les représentants du peuple peuvent-ils à ce point agir en désaccord - voire en opposition - avec ceux qui les ont élus ? A croire que l’action du gouvernement serait dictée par des intérêts inavouables et étrangers à ceux de la population.

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Pour justifier le bien-fondé de sa réforme, le gouvernement se cache derrière un argument massue. La réforme des retraites figurait dans le programme électoral du candidat Macron. Voter pour lui c’était donc accepter qu’elle soit mise en oeuvre. Fin de la discussion. Mais pour que l’argument soit recevable, encore aurait-il fallu qu’il y eu un programme et que les détails du projet de loi y soient clairement exposés. Car du côté des opposants à la réforme, le candidat Macron n’a pas été élu sur un programme mais par opposition à Marine Le Pen. Dans une forme d’ultime sacrifice, une majorité de Français a préféré voter en se bouchant le nez contre la candidate du RN et accorder leur confiance les yeux bandés en faveur du président sortant. La pilule doit être bien amère, en particulier pour les électeurs de La France Insoumise, artisans de la victoire d’Emmanuel Macron au second tour, manipulés par un Jean-Luc Mélenchon pour qui la victoire du monarque n’était rien d’autre que l’assurance de sa propre survie politique.

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J’ai souvent eu l’occasion de revenir sur les dangers du vote contre, de l’abstention et du vote par défaut. Dans mon livre « Prendre le risque de la démocratie », j’ai tenté d’expliquer les origines de ces dysfonctionnements volontaires et les solutions qui pourraient les corriger. La Fable des Souris qui sert de fil conducteur à ma réflexion depuis une dizaine d’années est d’une étonnante actualité. Elle résume à merveille les travers d’une démocratie électorale où les chats qui nous gouvernent agissent souvent pour des intérêts bien éloignés de ceux des petites souris qui les ont élus. L’exemple du régime spécial de retraites des sénateurs, un régime en or qui a la particularité de n’être réformable que par les sénateurs eux-mêmes, en dit long sur l’ampleur de l’illusion démocratique dans laquelle nous nous berçons. A la lumière de l’actualité du moment, je vous invite à la redécouvrir. 

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On pourrait croire que les crises du pouvoir d’achat, du climat, de la santé, de l’énergie, de l’emploi, de l’insécurité sont autant d’urgences auxquelles nous devrions apporter des solutions pérennes. Elles le sont évidemment. Nous disposons de toutes les ressources intellectuelles, expertises et analyses nécessaires pour répondre de manière concrète à ces problématiques. Mais nos propositions n’auront aucun sens tant que nous n’aurons pas le pouvoir de faire. La véritable priorité qui devrait accaparer notre réflexion est la réforme de nos institutions. Ce sont bien ces dysfonctionnements qui nous privent de notre pouvoir de décision et nous cantonne sciemment dans le rôle de spectateur d’une démocratie qui nous échappe. Tant que le problème institutionnel ne sera pas résolu et que les mêmes politiciens de carrière continueront à préempter les mandats, les mêmes mauvaises décisions continueront à être prises par les mêmes chats déconnectés de la réalité des souris.

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La révision de nos institutions constitue donc un enjeu prioritaire. J’entend par là une redéfinition des règles du jeu électoral, la fin du carriérisme politique et du financement des partis, la généralisation des scrutins à un seul tour rendant impossible les petits arrangements en coulisse, la transformation du CESE en chambre citoyenne et la mise en place d’un véritable statut de l’élu, sorte de contrat de travail entre l’électeur et celui qu’il désigne pour le représenter. Dans une démocratie digne de ce nom, un tel contrat ne saurait être rédigé par ceux qui en profitent, n’est déplaise aux sénateurs. 

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Repenser nos institutions, c’est évidemment l’introduction de la proportionnelle, le recours au Referendum pour les questions d’ordre sociétales et bien entendu la reconnaissance du vote blanc, indispensable outil d’une démocratie vivante sans lequel les petites souris que nous sommes seront contraintes à devoir choisir éternellement entre un chat noir…et un chat blanc. 

Stéphane Guyot

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